Recul du trait de côte : de nouvelles obligations pour les communes littorales
Cartographie des zones impactées, information des acquéreurs, interdiction de construire… La loi climat promulguée le 22 août impose de nouvelles contraintes aux communes menacées par le recul du trait de côte.
Elles ont été peu mises en avant. La loi climat et résilience, promulguée le 22 août par Emmanuel Macron, contient pourtant de nombreuses dispositions visant à adapter les territoires aux effets du dérèglement climatique, en particulier les communes littorales menacées par le recul du trait de côte.
« Les articles sur le recul du trait de côte, qui constituent un véritable « volet résilience » très attendu des élus, apportent des outils importants », estime Jean-René Cazeneuve, député LReM, rapporteur pour l'Assemblée nationale lors de la commission mixte paritaire (CMP) du 12 juillet dernier. Un avis partagé par le sénateur centriste Pascal Martin, rapporteur de la Chambre haute dans cette même CMP. Parmi les compromis passés avec les députés et permettant « au Sénat de préserver des mesures très importantes », ce dernier mentionne aussi la réforme du trait de côte, « pour laquelle nous avons garanti un partage des responsabilités entre l'État et les collectivités ». Un partage, qui « devra être prolongé dans le cadre de l'examen du budget », prévient toutefois l'élu de Seine-Maritime.
Il faut dire que les associations d'élus locaux avaient fait valoir leurs revendications sur ce volet du projet de loi avant son examen par le Sénat en mai dernier. Dans un communiqué commun, les présidents de l'Association des maires de France (AMF), de l'Association des élus du littoral (Anel) et du Centre européen de prévention des risques d'inondation (Cepri) avaient pointé « une déresponsabilisation de l'État, sans parallèlement donner aux collectivités les moyens techniques et financiers pour préparer l'avenir ». Ils avaient également dénoncé l'oubli de la question de la submersion marine, qu'ils jugent pourtant indissociable de celle de l'érosion côtière.
Cartographier les zones qui seront impactées
Que contient finalement le texte adopté ? Il prévoit tout d'abord l'élaboration par l'État, en collaboration avec les collectivités territoriales et les différentes parties prenantes, d'une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Celle-ci pourra être déclinée dans des stratégies locales élaborées par les collectivités. « Nous avons permis l'adoption d'un amendement instaurant une convention État-collectivités sur les moyens techniques et financiers alloués aux stratégies locales portant sur la construction, l'adaptation ou le maintien en état des ouvrages de défense contre la mer », se félicite le sénateur LR Jean-François Rapin, président de l'Anel, qui reste toutefois très critique sur le désengagement de l'État en la matière.
Les communes impactées par le recul du trait de côte seront identifiées dans une liste fixée par décret, qui devra être révisée tous les neuf ans. « Nous avons obtenu deux aménagements : la consultation obligatoire des communes concernées et la possibilité pour les communes volontaires d'intégrer cette liste », ajoute le sénateur du Pas-de-Calais.
« Dans un délai de quatre ans, les collectivités impactées par le recul du trait de côte vont devoir cartographier les zones qui seront impactées d'ici 30 ans et celles qui seront impactées dans 30 à 100 ans », met en avant le ministère de la Transition écologique. Le recul du trait de côte sera pris en compte dans les schémas de cohérence territoriale (Scot) et les plans locaux d'urbanisme (PLU). Les plans de prévention des risques naturels devront également être révisés en cohérence avec la nouvelle cartographie. Quant aux schémas régionaux d'aménagement et de développement (Sraddet), ils devront identifier des territoires de relocalisation.
Interdiction de nouvelles constructions
Les nouvelles constructions seront interdites dans les zones impactées à horizon de 30 ans « afin de prioriser la renaturation de ces territoires », explique le ministère de la Transition écologique. Dans les zones impactées à horizon 30-100 ans, les nouvelles constructions seront, quant à elles, conditionnées à une obligation de démolition à terme.
Par ailleurs, la loi impose aux annonces immobilières de renvoyer aux informations relatives au recul du trait de côte afin que « tout nouvel acquéreur puisse être conscient du problème », explique le ministère. Actuellement, des biens immobiliers peuvent en effet être achetés ou construits sur le littoral sans qu'aucune information sur ce risque ne soit communiquée.
La loi institue par ailleurs un droit de préemption au profit des communes figurant sur la liste établie par décret afin de prévenir les conséquences du recul du trait de côte sur les biens qui y sont situés. Ce droit est institué au bénéfice de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont elle est membre.
Enfin, la loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre des dispositions complémentaires. Celles-ci doivent permettre de créer un nouveau régime de contrat de bail réel immobilier de longue durée, d'adapter les outils d'aménagement foncier nécessaires à l'adaptation des territoires exposés (missions des gestionnaires de foncier public, méthode d'évaluation des biens exposés, etc.) et de prévoir des dérogations à la loi « littoral » afin de pouvoir mettre en œuvre des projets de relocalisation.
"Transférer toutes les responsabilités aux collectivités"
« Le projet de loi n'est pas l'occasion pour le Gouvernement de se saisir du sujet de l'érosion et du recul du trait de côte, mais bien au contraire de s'en dessaisir définitivement en transférant toutes les responsabilités et charges financières aux collectivités », n'avait pas hésité à dénoncer le président de l'Anel lors de la discussion parlementaire.
Reste au Gouvernement à convaincre les collectivités lors de la discussion du projet de loi de finances qu'il ne se décharge pas sur elles de cette mission qui va devenir de plus en plus sensible au fil du temps. En effet, les craintes exprimées par les élus locaux restent encore vives.
Laurent Radisson, journaliste
Rédacteur en Chef délégué aux marchés HSE