Ce document traite des ouvrages longitudinaux de protection des cotes sableuse en méditerranée.
Il date de 2010, mais les fondamentaux n'ont pas changé !
Objectifs
Les digues, murs de défenses, enrochements ou perrés sont des ouvrages de protection disposés sur la plage parallèlement au trait de côte.
L’objectif principal de ces ouvrages est d’empêcher que la mer ne gagne des terrains en amont, soit par érosion progressive, soit par
submersions marines lors de tempêtes. Il s’agit ainsi de fixer la position du rivage afin d’empêcher tout recul.
Les ouvrages longitudinaux représentent l’une des techniques de protection les plus répandues sur le littoral : d’une efficacité immédiate, ces ouvrages garantissent en effet à court terme, la protection des enjeux situés derrières eux.
Principes et fonctionnement
Secteur d’implantation
L’ouvrage est la plupart du temps disposé à proximité immédiate de l’enjeu à protéger, c'est-à-dire en haut de plage. Il est donc positionné
entre la limite du trait de côte et la limite du terrain ou du bien que l’on souhaite protéger. Il arrive parfois que ces deux limites se confondent
lorsque le recul a déjà été très important et qu'il ne reste pas une grande marge de manœuvre pour protéger une propriété.
- Absorption et réflexion de l’énergie des vagues
Les enrochements, murs et digues verticales sont conçus pour empêcher l'effet d'arrachement des vagues sur l'estran sableux, le pied de dune ou le pied de falaise. Ils fonctionnent en fait par absorption et réflexion de l’énergie des vagues qui, au lieu de se dissiper sur le littoral en érosion, va se heurter à l'ouvrage.
Selon le type d’ouvrage utilisé, l’action produite sur les vagues sera différente :
Les enrochements ou « perrés » sont composés de blocs de pierres ou de béton non liés entre eux. Ils absorbent ainsi une partie de l’énergie de la houle qui s’engouffre dans les vides de la structure. La partie de l’énergie non absorbée est réfléchie en amont de l’ouvrage.
La taille, la nature et la disposition des blocs doit être réfléchie pour convenir à l'intensité et à l'exposition aux vagues.
Les enrochements sont souvent plus adaptés à une exposition modérée
Les murs, ou digues verticales sont maçonnés et constituent une barrière dense et intégrale face aux vagues. Souvent érigés sur les fronts côtiers très exposés ou urbanisés, ils réfléchissent la totalité de l’énergie des vagues.
La force générée par les vagues qui viennent frapper contre l’ouvrage favorise l’arrachement et le transport des sédiments de la plage située entre la mer et la digue. Ainsi lorsqu’une protection longitudinale est implantée le long d’une plage, on assiste plus ou moins rapidement à une diminution, voir à une disparition de la plage émergée devant l’ouvrage.
D’autre part, la présence de ces obstacles en haut de plage interrompt définitivement les changes sédimentaires entre la plage et une source potentielle de sédiments (les dunes notamment) ce qui contribue d’autant plus à on amaigrissement.
Enfin, les enrochements constituent une protection très ponctuelle contre l’érosion. En effet, ils limitent le transport des sédiments par le courant de dérive littorale et invitent la force des vagues à se concentrer sur les espaces adjacents où la mobilité est possible. Par conséquent, ces secteurs adjacents se retrouvent moins alimentés en sédiments et s’érodent d’autant plus. On constate ainsi souvent qu’une cellule ou griffe d’érosion se créée directement après l’ouvrage dans le sens de la dérive littorale.
Les ouvrages longitudinaux sont utilisés couramment pour leur capacité à protéger des zones basses des submersions marines.
Cependant, lors d'événement tempétueux importants, des paquets de mer peuvent franchir l'ouvrage et provoquer une inondation des espaces en arrière de l'ouvrage encore plus importante qu'en l’absence d'ouvrage, la mer ne pouvant plus se retirer.
D’autre part, la rupture de l’ouvrage peut causer des dommages très importants par inondation et projection de matériaux. .
Effets progressifs de la réflexion des vagues contre un enrochement de haut de plage © L.VELAY
Une protection parallèle au trait de côte est implantée pour protéger ce qui se trouve à l’arrière des plages mais pas les plages elles mêmes qui ont tendance à davantage s’éroder après la construction de l’ouvrage
(A. Hequette, 2010)
Protection contre les submersions
Réflexion de l’énergie des vagues et érosion
A noter
Qu’il s’agisse d’un enrochement ou d’un mur, l’abaissement du niveau de sable au pied de l’ouvrage provoque une déstabilisation de sa
base et il a tendance à se déchausser.
Il est donc nécessaire ’entretenir et de conforter périodiquement les ouvrages pour qu’ils continuent à jouer leur rôle de protection.
Dans quels cas utiliser cette technique ?
Du fait des nombreux effets indésirables qu’ils impliquent, les ouvrages longitudinaux doivent être envisagés uniquement lorsque les enjeux économiques et humains à protéger ne peuvent pas être déplacés.
Les murs, perrés et digues, ouvrage lourds et paysagèrement impactant, sont ainsi généralement requis pour des sites très exposés et urbanisés, en front de mer de site urbains notamment.
Les enrochements sont plus adaptés aux côtes périurbaines moyennement exposées, car ils s’incluent davantage dans le paysage mais sont plus facilement franchissables lors de tempête.
A noter
Certaines activités, voire la circulation même des personnes sur ces ouvrages, nécessitent d’être interdites car les vides entre les blocs présentent un danger pour les usagers.
Autorisations et démarches règlementaires requises
Deux décrets régissent les règles applicables aux ouvrages de protection contre les submersions marines :
le décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007 soumet à une même réglementation l’ensemble des barrages de retenue de plus de 2 mètres de haut ainsi que les digues de protection contre les inondations et les submersions.
Le décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 modifie le décret de 2007 et fixe le nouveau cadre dans lequel les communes ou les EPCI à fiscalité propre détenteurs de la compétence GEMAPI devront gérer les ouvrages de protection, en particulier les digues.
Les communes et EPCI doivent définir un système d’endiguement qui comprend l’ensemble des ouvrages jugés nécessaires à la protection des personnes et des biens.
C’est ce système d’endiguement qui est à présent soumis à autorisation administrative et non les ouvrages individuellement
Le contenu de l’autorisation administrative et les obligations du gestionnaire (réalisation d’études de danger, visites périodiques…) va varier en fonction de la classe d’endiguement à laquelle l’ouvrage appartient. Les classes sont définies selon l’importance de l’ouvrage et selon la
population protégée.
Le classement des digues à été revu dans le décret de 2015 :
Classe Population protégée
A Population > 30 000 personnes
B 3 000 personnes < population ≤ 30 000 personnes
C 30 personnes ≤ population ≤ 3 000 personnes
Niveau de protection : le décret de 2015 prévoit pour les systèmes d’endiguement qui seront réalisés à partir de la date de mise en œuvre de la compétence GEMAPI (1er janvier 2018), des objectifs de niveaux de protection à atteindre (évènement d’occurrence bicentennale pour les systèmes de classe A, centennale pour les classe B et cinquantennale pour les classe C)
Le cout de cette technique
Les coûts présentés ci-dessous doivent être pris comme des ordres de grandeur, les coûts réels peuvent fortement varier d’une opération à l’autre. D’après les estimations de l’EID (2006).
Construction : 1800 €HT / mètre linéaire
Entretien : Chaque année 3 à 5% du prix d’installation et au bout de 20 à 30 ans l’équivalent du prix d’installation
A savoir
Le Fonds national de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) est susceptible de financer la réalisation de travaux de défense contre la mer sous certaines conditions :
le maître d’ouvrage doit être une collectivité territoriale ou l’État,
le projet doit obtenir le label “Plan submersion rapide” (PSR) accordé par la Commission mixte inondation (CMI) sur la base de la qualité technique du projet et des garanties apportées par les maîtres d’ouvrage quant à la pérennité de l’entretien des aménagements
le projet doit faire l’objet d’une Analyse coût-bénéfice (ACB) ou d’une Analyse multicritère (AMC) afin d’en mesurer la pertinence par comparaison des coûts de mise en œuvre du projet aux bénéfices attendus (dommages évités).
Il doit également s’inscrire dans un projet global de PAPI.
Les communes bénéficiaires doivent être dotées d’un PPRL prescrit ou approuvé.
A noter
Les ouvrages de hauteur inférieure à 1,5 m ne sont plus considérés comme des digues. Ils peuvent néanmoins être intégrés au système d’endiguement sur demande de la collectivité.
Sur le cordon littoral des Vieux Salins, un enrochement d’environ 1km de long a été implanté par la Compagnie des Salins du Midi entre les années 1970 et 1998 afin de protéger les marais salants, situés plus en arrière, d’une intrusion d’eau marine et de conserver leur terrain. Cet enrochement longitudinal est constitué de matériaux hétéroclites qui diffèrent en fonction de la période et des différentes phases d’enrochement. L’ouvrage est volontairement plus entretenu depuis l’arrêt de l’exploitation salinière en 1995 et le rachat du site par le Conservatoire du littoral en 2001.
Illustration
Le cordon littoral des Vieux Salins, Hyères (83)
L’importance de dimensionner la taille des blocs
D’après l’étude historique du site, la construction de l’ouvrage a débuté à l’Est du cordon littoral, dans le secteur qui présentait la plus forte érosion. Les blocs rocheux installés durant cette première phase sont de taille suffisamment importante pour ne pas être trop déstabilisés par les vagues.
Même si l’ouvrage est affaissé par endroit, il présente une relativement bonne stabilité pour le peu d’entretien dont il a bénéficié.
Sur le secteur plus à l’Ouest, les rochers disposés présentent une granulométrie bien inférieure. Le cordon d’enrochement est alors complément affaissé et les blocs sont dispersés sur la plage.
Enrochement
Cellule d’ érosion
Impacts morphologiques de l’enrochement
La présence de l’enrochement a eu comme conséquence de stopper le recul du trait de côte sur le secteur protégé. Cependant, deux effets sont à noter sur la morphologie du site :
Il a eu pour conséquence de déstabiliser les échanges sédimentaires et de fragiliser d’avantage la plage située immédiatement à l’ouest de l’ouvrage. Une cellule d’érosion est alors apparue, et désormais, la vitesse de recul dans cette zone avoisine les 1 à 2 mètres par an. La fragilité du cordon dunaire sur ce secteur l’expose d’avantage aux submersions marines.
Il a provoqué la disparation progressive de la plage située devant l’ouvrage
Enjeux naturels et devenir de l’enrochement
L’activité salinière ayant aujourd’hui cessé, les enjeux économiques justifiant cette protection ont disparu. Le Conservatoire du littoral et la Communauté d’Agglomération Toulon Provence Méditerranée étudient donc actuellement la possibilité de supprimer ces enrochements afin de redonner à cet espace sa dynamique naturelle. Cette renaturation du littoral se traduira inévitablement par un recul du trait de côte. Cependant, le maintien du cordon dunaire est envisagé via des techniques souples telles que son consolidement avec des résidus de posidonie, et la mise en défends à l’aide de ganivelles.
Le projet retenu lors de la phase d’étude pourrait être financé en partie dans le cadre du projet Franco-italien MAREGOT (financement dans le cadre du programme Marittimo).
Pour aller plus loin