C’est donc cette « simple » considération du Jugement rendu qui jette le trouble sur l’opposabilité du document d’urbanisme couvrant les 21 communes de la Terre des 2 Caps.
En effet, le Tribunal aurait pu tout aussi bien considérer illégale la modification des règles de hauteur, pour annuler le permis de construire, sans remettre en cause la légalité du PLUI dans son ensemble, d’autant que d’autres motifs d’annulation se révélaient suffisants dans le Jugement pour y procéder !
En jugeant ainsi, il statue au-delà même de la question qui lui était posée sur la stricte légalité du permis de construire qui avait été accordé, selon le mécanisme de « l’exception d’illégalité », prévue à l’article L600-1 du code de l’urbanisme, qui vise : « la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l’enquête publique », ..avec des conséquences graves, qu’il convient de bien évaluer !
Il est un principe, en droit administratif, datant d’un arrêt très ancien, repris et étendu depuis dans la jurisprudence Alitalia: dans CE. 14 novembre 1958, Sieur Ponard, Rec., p.554, dans lequel le Conseil d’Etat a érigé en principe général, le fait que l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale.
Dès lors, l’on peut affirmer facilement qu’il n’est nul besoin d’une correction du document d’urbanisme, pour que les règles de hauteurs dépassant celles issues de l’enquête publique n’aient plus à s’appliquer…
… mais qu’en est-il pour le PLUI « dans son ensemble » ?
Hélas, le principe de l’arrêt Ponard s’applique pleinement.
Il est d’ailleurs consacré à l’article L600-12 du code de l’urbanisme, qui, en outre, nous indique quelle règle appliquer suite à une déclaration d’illégalité :
« L’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d’urbanisme, le document d’urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur. »
L’on comprend alors que la décision du Tribunal Administratif de Lille du 19 décembre 2017 n’est pas neutre sur l’application du droit des sols pour les 21 communes de la Terre des 2 Caps.
Elle génère, en particulier, une incertitude sur les autorisations accordées depuis, si elles l’ont été, et c’est probable, sur la base des règles du PLUI.
Nous recommandons, pour les titulaires d’autorisations d’occuper le sol, d’attendre le délai de purge des recours des tiers (2 mois), le délai de retrait (3 mois), mais aussi et surtout le délai de déféré préfectoral qui est de 2 mois à compter de la transmission de l’acte par l’autorité compétente au Préfet. Encore faudra-t-il s’assurer, pour ce dernier point, que la transmission se soit bien faite dans les 15 jours de la signature de l’acte comme le prévoit l’article L2131-1 du code général des collectivités territoriales, sous peine que le délai de déféré ne démarre que très tardivement,… parfois jamais !
Pour ceux qui travaillent actuellement sur des demandes d’autorisation d’occuper le sol (déclaration préalable, permis de construire, permis d’aménager, ..), nous conseillons de travailler sur la base du PLUI, puis repasser le projet au crible des règles du document antérieur.
En effet, la plupart du temps, la règle du PLUI sera plus contraignante.
Cela aura aussi l’avantage de sécuriser les autorisations d’urbanisme délivrées, dans le cas où la CCT2C viendrait à rectifier son document dans l’intervalle des instructions en cours.
Des cas plus difficiles pourront néanmoins se présenter lorsque la règle sera simplement différente entre les deux documents (règle de distance par rapport aux limites séparatives, ou à l’alignement, par exemple)
A noter, par ailleurs, que l’usage des certificats d’urbanisme, qui ont précisément pour objectif de geler les droits à construire pour une durée de 18 mois, se trouve fortement perturbé avant et pendant la période de déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme !
Ainsi, deux cas de figure peuvent se poser, à priori, pour les certificats d’urbanisme :
- Un certificat d’urbanisme en cours de validité a été obtenu avant la déclaration d’illégalité du PLUI : le certificat, basé sur le PLUI, se trouve alors privé de base légale et perd donc ses effets. Il cristallise donc … la règle du document antérieur, en vertu du principe de l’arrêt Ponard, selon lequel l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale,
- Un certificat d’urbanisme est déposé après la déclaration d’illégalité du PLUI :
- Soit le certificat délivré tient compte du jugement d’illégalité du PLUI et cristallise la règle antérieure dans la forme et dans les faits,
- Soit le certificat délivré se base sur le PLUI, et à nouveau, se trouvant privé de base légale, il cristallisera la règle antérieure, dans les faits !
On observe ainsi que, dans tous les cas, le certificat d’urbanisme en cours de validité n’aura jamais le pouvoir de faire « survivre ponctuellement » le PLUI, tant que celui-ci est réputé ne plus être en vigueur.
L’administré qui serait néanmoins invité formellement, par le biais d’un certificat d’urbanisme, à appliquer la règle du PLUI, et constatant par la suite que ce n’est pas le cas dans les faits (recours, retrait ou déféré), n’aurait comme seule consolation possible, qu’un recours indemnitaire pour avoir été mal informé.
Nous reviendrons vers vous dans un deuxième temps pour évoquer les évolutions prévisibles de la règle d’urbanisme applicable dans les communes de la CCT2C, selon la suite que la collectivité entendra donner à la situation que nous avons cherché à décrire.
Thierry BLEARD
Géomètre-Expert à Boulogne sur Mer
Expert près la Cour d’Appel de DOUAI