Diner-débat de Côte d'Opale Synergie et des Amis de Wissant

L'érosion des plage, entre vieille histoire et solutions à trouver d'urgence


 

Yvonne Battiau-Queney, professeur émérite à l'université de Lille I, a détaillé l'évolution des plages de la Côte d'Opale, et en particulier celle de Wissant.
Le vent était fort sur le littoral, vendredi soir, et c'était très approprié : le cercle Côte d'Opale Synergie et les Amis de Wissant ont organisé un diner-débat consacré à « l'érosion des plages de la côte d'Opale, du passé à l'avenir ».
L'occasion de se plonger dans les racines du problème et de déterminer les solutions qui s'imposent pour sauver la baie de Wissant.
Une soixantaine de participants se sont réunis à l'invitation des deux associations qui inauguraient à l'Hôtel de la Plage de Wissant la formule de diner-débat. Beaucoup de membres des Amis de Wissant mais aussi des élus comme le maire de la commune, Bernard Bracq.
Pour dresser le bilan de la situation des plages du littoral, les deux associations avaient fait appel à une spécialiste de géomorphologie côtière et de sédimentologie littorale : Yvonne Battiau-Queney est présidente émérite à l'université de Lille I et par ailleurs présidente d'EUCC-France (Union européenne pour la conservation des côtes).
Yvonne Battiau-Queney s'est d'abord montrée globalement rassurante : « Toutes les plages du littoral ne sont pas menacées, même s'il y a des situations très graves ». Le trait de côte est très mobile et, dans certains secteurs du littoral, c'est la terre qui a gagné sur la mer : « La côte s'est avancée de 200 mètres en 2 siècles à Merlimont, a souligné Yvonne Battiau-Queney. La Dune d'Escault a reculé puis avancé. Et on observe un phénomène de stabilité au sud du Touquet et aux Hemmes d'Oye ».

Les promenades mangent les dunes


C'est le phénomène de résilience qui permet la sauvegarde du trait de côte : « Il faut des conditions précises pour assurer la conservation de la dune. L'avant-dune sert de réservoir de sable à la mer et lors des tempêtes ». Et ces conditions ont été négligées par l'homme au fil des siècles.
La naissance du tourisme balnéaire, au début du XXe siècle, a commencé à perturber ce bel équilibre : « C'est le début des constructions sur les fronts de mer. On commence à bâtir des promenades en supprimant ces réservoirs de dune ».
Un autre évènement a accentué le phénomène à Wissant : les extractions au large du flanc nord du "Banc à la Ligne" entre 1973 et 1981. Au total, on peut estimer à 1,2 million de m³ la quantité de sable prélevée devant Wissant pour permettre la construction de grands projets.
Une fois que le système est déséquilibré, le "démaigrissement" de la plage s'emballe : « On a vu les effets des mauvaises pratiques trop tard. On a accumulé un déficit sédimentaire. Wissant est un cas exemplaire ». Pour la scientifique, « il faut raisonner à l'échelle de la baie. La baie de Wissant à tendance à se vider. Le Banc à la Ligne s'est séparé du Cap Gris-Nez entre 1977 et 2002 ».
Depuis, le phénomène des courants a accentué la disparition du sable à Wissant.

Reconstruire la digue,
réensabler la baie


Les péripéties endurées par la digue de Wissant ont joué un rôle important dans la situation que traverse aujourd'hui la station balnéaire. « Dès qu'il y a une digue, on observe un abaissement du niveau de la plage, remarque Yvonne Battiau-Queney. Ça protège les maisons mais ça ne reconstitue pas la plage ».
La fragilité de la digue de Wissant n'est plus un secret : détruite une première fois en 2001, reconstruite pour subir une nouvelle catastrophe six ans plus tard, elle reste une construction indispensable pour préserver les habitations. Bernard Bracq a pu donner des indications sur l'avenir de la digue : l'appel d'offre pour la reconstruction sera lancé dans les prochains jours avec des travaux programmés dans 12 à 18 mois. Le maire de Wissant a aussi indiqué que les blockhaus situés au niveau de la dune d'Aval devraient être détruits en janvier prochain. 300 pieux, très serrés, seront plantés ensuite pour piéger le sable.
Une fois la digue reconstruite, la sauvegarde de la baie ne passera que par « une recharge massive en sable » : « Il faut profiter du chantier de Calais Port 2015 pour récupérer le sable dragué dans les futurs bassins, plaide Yvonne Battiau-Queney. Mais ça doit accompagner la reconstruction de la digue. C'est la condition sine qua non pour que la plage se reforme ». On estime à 1 million de m³ la quantité de sable disponible. Suffisamment pour recréer une dynamique favorable : « Après le réensablement, le processus est immédiat. » Et pour consolider la situation, la scientifique conseille l'utilisation de dispositifs "doux" pour piéger le sable. A ces seules conditions, Wissant restera confortablement niché entre les deux caps.


Jean-François DUQUENE
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