Faudra-t-il un rechargemement massif en sable pour lutter contre l'érosion de la plage de Wissant ?

Emmanuelle Dupeux, La voix du nord du 14/06/2012 


Le cercle Côte d'Opale Synergie a organisé vendredi soir à Wissant une conférence débat sur « l'érosion des plages de la côte d'Opale, du passé à l'avenir » en partenariat avec l'association Les Amis de Wissant.

 


Un thème qui interpelle dans la station balnéaire si l'on en juge au monde présent au restaurant de l'Hôtel de la plage. Olivier Lazzarotti, professeur de géographie à l'université d'Amiens s'étant décommandé, c'est Yvonne Battiau Queney seule, professeur de l'Université de Lille 1, qui a animé la soirée. Une allocution passionnante, car la scientifique sait visiblement de quoi elle parle : elle est aussi présidente de l'EUCC France (European union for coastal conservation) qui organise des « ateliers de terrain » et dont le but est de promouvoir une gestion raisonnée et durable du littoral.

La baie se vide

« Nous n'avons pas à être trop pessimistes concernant l'érosion sur la Côte d'Opale. Toutes nos plages ne sont pas menacées », a relativisé l'intervenante, prouvant avec plusieurs exemples concrets que, souvent, le trait de côte n'a pas reculé depuis plusieurs siècles et que la plage a même avancé sur la mer. Confer par exemple Bray-Dunes, Merlimont, le fort Vert à Calais ou encore les dunes au nord d'Hardelot, « où la côte a avancé de 60-70 m entre 1929 et 1977. » Dans ces différents exemples, une constante : « l'avant-dune, directement en contact avec la plage, joue un rôle fondamental » car elle sert de réservoir de sable au moment des tempêtes. Un « équilibre dynamique » se crée, qui fait que le trait de côte reste globalement stable. Cette « respiration naturelle » a été remise en cause au XIXe siècle par le développement du tourisme et la construction sur la plage et les dunes de digues ou d'hôtels.
Il existe néanmoins « des situations très graves. » Notamment à Wissant, où le recul est très marqué. Après la guerre, au moment de la reconstruction, il fallait désensabler tous les ans. Environ 10 000m³ par an, acheminés notamment vers le port de Dunkerque. A cette époque, il y avait encore une très belle dune d'Aval végétalisée, des champs de dunes embryonnaires qui se développaient en avant, et une dune d'Amont plutôt amaigrie.
Mais petit à petit, ce désensablement a créé un déficit sédimentaire. Le début du déclin date, selon Mme Battiau, de 1985-86, premières années où il n'a plus fallu désensabler. « Il y a eu un renversement de tendance ». L'érosion s'est déplacée vers le sud-est de la plage. A cette époque, les bunkers enfouis sous le sable commencent d'ailleurs à réapparaître. C'est le début de l'érosion de la dune d'Aval dont on parle tant depuis quelques années, et de l'abaissement du niveau de la plage (au moins 5 mètres en 20 ans). Simultanément, le banc à la ligne (au large de la plage) s'est transformé ; un chenal s'est creusé dans celui-ci par lequel une exportation de sable s'est créée.
Ajoutez à cela tout une courantologie assez complexe et cela aboutit au fait que la baie de Wissant a maintenant tendance à se vider. « Les vagues déferlent avec beaucoup plus d'énergie qu'avant et cela créé des courants qui entraînent le sable vers le large. » En 2001, la digue a été détruite puis « mal reconstruite ». Le nouveau perré, détruit en 2007, a accéléré l'abaissement du niveau de la plage.

Profil d'équilibre

Que faire à présent pour remédier à cette forte érosion marine ? La scientifique - qui est elle-même membre des Amis des Wissant -, préconise la reconstruction d'une digue mais surtout, un rechargement massif en sable pour « rétablir le profil d'équilibre de la plage ». Le sable dragué pendant le chantier de Calais 2015 offrirait une excellente opportunité... Il faudrait ensuite, pour éviter l'ensablement du front de mer, disposer en haut de plage des « ouvrages légers démontables en saison touristique » - type boudins en textile ou géotextile - piégeant le sable. Dernière mesure : contrôler les fuites de sable hors de la baie en particuliers par le banc à la ligne. « Ce rechargement en sable est la condition sine qua non pour que Wissant retrouve sa plage et que la dune d'Aval et le marais de Tardinghen soient sauvés » a conclu Mme Battiau. Donnant de quoi réfléchir à toute l'assistance. •


EMMANUELLE DUPEUX

La Voix Du Nord