Un clin d'oeil autour de ce qui nous préoccupe quelque peu !

Partager ses psychoses est sans doute une forme de thérapie… 

De sa hauteur, Dame dune d’aval contemplait avec dédain les flots déchaînés. N’était-elle point là depuis des années à protéger de sa masse le littoral. Confiante, Dame Dune regardait les rouleaux rugissants, pointant leurs premiers dards encore peu acérés. Leurs griffures étaient encore bien superficielles.

Soudain, une vague plus ambitieuse entreprit de lécher le pied de la dune. Rien d’inquiétant, pensa-t-elle, du haut de son arrogance.

Et pourtant, la bataille ne faisait que commencer.

Une nouvelle lame plus affûtée s’écrasa, suivie d’une autre et d’une autre encore. Les déferlantes qui paraissaient encore si lointaines s’étaient maintenant rapprochées. Du fin fond de l’horizon parvenaient les alignements de rouleaux écrasant sa rampe de leur masse.

Le travail de sape avait maintenant commencé, laissant la place aux bataillons organisés. Ils arrivaient les uns derrière les autres, en ordre de marche, chacun entamant un peu plus le pied de la dune aspirant consciencieusement le sable qui ne demandait qu’à se dégager, à être entraîné avec le courant.  Dame dune commençait à s’inquiéter, on était pourtant encore loin de la pleine marée, mais déjà sa première garde faiblissait.

La véritable armée allait bientôt arriver.

Elle surgit, comme une furie, sans prévenir. Ce n’était plus une vague, mais plusieurs, maintenant, se chevauchant l’une l’autre. Le tumulte des déferlantes était assourdissant.

Pourtant, l’écume, les embruns cachaient encore le cœur de la meute. Celui-ci pointa finalement son nez, plutôt que la dune ne l’avait imaginé. C’était maintenant une succession de lames massives qui se brisaient sur les flancs de la dune, chacune plus forte, déchaînées, sapant cet amas indolent tel un tigre enragé broyant tout sur son passage.

La furie destructrice finit par empiéter la placidité de cette masse inerte. Elle ne faisait plus la fière, maintenant.

Dame dune subissait, elle n’avait plus le temps de reprendre des forces.  On sentait bien que les choses allaient empirer. La rage brute se déferlait sans raison, juste pour mordre, comme pour se venger de cette morgue inertie.

Soudain, rappliquant du plus profond de l’océan, une monstrueuse vague assassine arriva, la gueule béante, ourlée d’écume. Dame Dune se sentit tressaillir en sa profondeur. La morsure alla droit au cœur, le choc fut, cette fois, trop brutal. D’un coup, ses sphincters lâchèrent prise. Tout s’effondra lamentablement en masse.

Le sable s’écoulait maintenant de façon régulière.  Les assauts répétés des griffes effrayantes démembraient ce corps sans défense, écroulant des pans entiers de sable, repris ensuite d’une main puissante par la vague suivante.

Plus rien n’arrêtait ces flots, galvanisés par ce vent tumultueux. De vagues hyènes affamées festoyaient sur ces mets, nettoyant consciencieusement la place.

La mer sentait bien que, cette fois-ci, elle avait gagné, enjambé cette dune arrogante pour reprendre ce territoire qui,  autrefois, lui revenait. La victoire lui appartenait, restait plus qu’à se partager les fleurons côtiers que Dame dune protégeait de sa puissante masse…

Mais, au moment où la partie allait être gagnée, le flux se retira, émoussant la puissance des vagues, laissant derrière elles un territoire dévasté.

Thaddée SEGARD