Le Figaro 18 octobre 2014
Au troisième jour du procès qui s'est ouvert lundi aux Sables-d'Olonne, René Marratier semblait donner raison aux parties civiles, qui lui reprochent son manque de compassion.
On lui reproche son manque de compassion après l'hécatombe causée par Xynthia - 29 morts sur sa commune, le 28 février 2010 - et René Marratier répond qu'il y avait des machines à laver à disposition des rescapés dans les ateliers municipaux. Au troisième jour du procès qui s'est ouvert lundi aux Sables-d'Olonne, l'ancien maire de La Faute-sur-Mer, battu d'un cheveu aux dernières élections, concentre sur sa personne le feu des critiques, et c'est peu dire qu'il se défend maladroitement.
La première salve dévastatrice a été tirée par Renaud Pinoit, président de l'association Avif qui regroupe 121 parties civiles. Ce Parisien installé à La Faute-sur-Mer dresse le portrait d'un maire au cœur sec, aussi peu pressé de réconforter les sinistrés que d'honorer la mémoire des disparus: «Le premier conseil municipal ne s'est pas ouvert par une minute de silence, dénonce-t-il d'une voix calme. Une adjointe m'a dit: «Ici, c'est pas Oradour-sur-Glane.» Quant au Mémorial, avec les noms des victimes, on ne l'a obtenu que cette année, de haute lutte. Avant, il y avait juste une banderole: on l'a un jour retrouvée dans une poubelle.» M. Pinoit affirme que, pour des raisons incompréhensibles qui souillent le drame d'une atmosphère de Clochemerle pathétique, l'ancien maire a toujours refusé de recevoir l'Avif. Il lance: «Pour M. Marratier, la victime, c'est lui. On n'a jamais ressenti d'empathie.»
L'image d'un homme inaccessible à l'autocritique
Le président appelle le prévenu à la barre. Et là, comme un footballeur pataud marque contre son camp, l'ancien maire paraît valider l'analyse de son détracteur: «La charge émotionnelle me stresse au plus profond de moi-même. J'ai une pensée pour les victimes, dont beaucoup étaient des amis (grognements côté parties civiles). L'équipe municipale a tout mis en œuvre (il énumère des mesures, dont l'installation des fameux lave-linge, parmi lesquelles certaines sont le fait d'organisations caritatives). On a apporté notre compassion pleine et entière aux sinistrés. À chaque enterrement il y avait un représentant de la mairie (dans la salle: «Mensonge!») J'ai aussi, moi, un syndrome lié à Xynthia, jamais je ne serai le même homme.» Interrogé sur l'Avif, M. Marratier prétend que l'association «ne (les) a jamais sollicités pour une réunion, un entretien».
Me Rapin, partie civile: «Selon M. Pinoit, il aurait suffi d'une voiture et de trois personnes pour alerter la population avant l'arrivée de la tempête.»
Le prévenu: «Je vous le notifie, on n'avait pas le matériel adéquat».
Patron d'une commune de 1000 habitants, soucieux, selon ses opposants, de ne rien lâcher de ses prérogatives surtout sous la pression d'administrés qui ne sont pas fautais de souche, et désireux de tirer le plus de profits possibles de la manne touristique, fût-ce au mépris de règles de prudence élémentaire - il appartiendra au tribunal de le dire -, René Marratier donne de lui l'image d'un homme inaccessible à l'autocritique, persuadé qu'une «campagne de dénigrement» de nature politique est «orchestrée à (son) encontre». De sorte qu'au-delà des faits qui lui sont reprochés et pour lesquels il encourt 5 ans de prison s'il est déclaré coupable, il risque de se voir plomber par l'oubli d'une minute de silence ou le refus d'apposer une stèle qui pourrait incommoder vacanciers ou acheteurs de pavillons, bien que cela ne constitue pas des délits.
Peut-être est-il un de ces hommes qui ne savent pas traduire leurs émotions, ou faire semblant d'en éprouver. Toujours est-il qu'il n'est pas d'une grande habileté de déclarer au tribunal qui le juge pour 29 homicides involontaires: «Ce n'est pas de ma faute si les électeurs de la commune m'ont élu quatre fois de suite.»